Des compétences émotionnelles ou « pensée positive » peuvent permettre de combattent l’épuisement professionnel chez les personnels de santé, concluent ces professionnels, en exercice, de la Northwestern University (Illinois). Mais, ils préviennent aussi : « comme toute intervention, cela ne fonctionne que pour ceux qui l'utilisent ». Cette recherche, publiée dans la revue PLoS ONE, suggère que de telles interventions personnalisées pourrait bien contribuer à redonner du bien-être, mais à condition d’opérer les changements de fond indispensables dans nos systèmes de santé.
L'épuisement professionnel est fortement corrélé à la dépression et à l'anxiété, ainsi qu'à une multitude de conséquences négatives sur la santé physique, notamment un mauvais sommeil, des comportements à risque pour la santé (par exemple, une activité physique réduite, une consommation accrue de substances) et des problèmes de santé physique tels que des maux de tête et des troubles gastro-intestinaux.
La pandémie de COVID-19 a exacerbé les taux d'épuisement professionnel déjà en forte progression chez les personnels de santé. Cette équipe suggère que l’apprentissage et la pratique de compétences qui favorisent les émotions positives comme la gratitude, la pleine conscience et l’autocompassion peuvent considérablement améliorer le bien-être de ces personnels et à réduire le stress et l’anxiété.
« Même avant la pandémie, les personnels de santé étaient mis à rude épreuve par le stress du travail, et tous les outils qui peuvent contribuer à réduire ce stress, ne serait-ce qu'un tout petit peu, sont à considérer », relève l'un des auteurs, Judith Moskowitz, chercheur en sciences sociales et médicales à la Feinberg School of Medicine. Ce nouvel outil, comme toutes les interventions – régime, exercice, sevrage, etc. –ne va fonctionner que si on l’utilise et le « pratique ».
Pratiquer la pensée positive pourrait suffire ?
L’étude est menée auprès de 554 personnels de santé invités à participer à une intervention proposée en ligne, de 5 semaines, visant à développer les émotions positives. L'intervention ciblait précisément 8 compétences qui, selon les données probantes, améliorent le bien-être : parmi ces traits, le fait de remarquer et de savourer des événements positifs, la gratitude, la pleine conscience, la réévaluation positive, la conscience de ses forces personnelles, la fixation d’objectifs réalisables et l’autocompassion. L'épuisement professionnel a été mesuré à l'aide d’une échelle reconnue (16-item Oldenburg Burnout Inventory) qui évalue notamment 2 dimensions de l'épuisement professionnel : l'épuisement et le désengagement du travail.
L’expérience révèle que :
- 52,8 % des participants qui se sont inscrits ne se sont jamais connectés pour achever l’intervention …
- les 9% qui ont suivi l’intervention ont significativement développé leurs émotions positives.
Les changements systémiques et organisationnels dans les soins de santé comme le développement de telles interventions peuvent contribuer à réduire les causes de l’épuisement professionnel, cependant les personnels de santé ont également besoin d’outils individuels facilement accessibles et praticables de manière personnalisée.
Alors pourquoi si peu d’adhésion à ce type d'interventions ? Lorsqu'on a demandé aux participants pourquoi ils n’ont pas donné suite ou terminé l'intervention, les participants ont souligné les obstacles logistiques (non-réception de l'e-mail initial pour se connecter, emploi du temps trop chargé, rappels quotidiens trop intrusifs), mais également une perte de motivation et une inadéquation avec les facteurs de stress systémiques, qui conduisent à l'épuisement professionnel (manque de personnel, d’options pour la garde des enfants, de pauses au cours des quarts, etc… Ces observations suggèrent que corriger ces facteurs systémiques reste la priorité pour réduire l’épuisement professionnel des professionnels de santé. Cependant, la plupart des participants soulignent aussi « qu’ils y reviendraient bien » si une nouvelle opportunité se présentait, ce qui suggère aussi l’utilité de ce type d’intervention mieux personnalisable.
Il s’agit donc d’optimiser ce type d’intervention et de résoudre les obstacles logistiques. De telles interventions ont plus de chances de réussir à réduire l'épuisement professionnel si elles sont mises en œuvre parallèlement à des changements de fond dans le système de santé.
Les auteurs rappellent, qu’au-delà de la réduction de leur bien-être et de leur qualité de vie, l’épuisement professionnel des soignants est aussi associé à une réduction de l’efficacité, de la sécurité et de la qualité des soins.
Source: PLoS ONE 24 June, 2024 DOI : 10.1371/journal.pone.0305172 Feasibility, acceptability, and efficacy of a positive emotion regulation intervention to promote resilience for healthcare workers during the COVID-19 pandemic: A randomized controlled trial