Cette équipe de cliniciens et d’épidémiologistes de l’Université de Toronto se penche sur l’impact de la pandémie et son lot d’urgences médicales, sur les modes de consultation médicale des patients : le nombre de visites aux Urgences s’est-il substitué à une partie des consultations en soins primaires, que ce soit au cabinet du généraliste ou par téléconsultation ? Ces nouvelles données publiées dans le Canadian Medical Association Journal (CMAJ) confirment l’attachement de la plupart des patients à leur médecin traitant ainsi qu’une absence de substitution de la télémédecine aux visites aux Urgences.
Les chercheurs canadiens rappellent l’importance de l'accès aux soins et de leur continuité pour la prévention et la gestion des maladies chroniques et le traitement des problèmes aigus non urgents. L’accès aux soins a évolué avec la téléconsultation et la télémédecine ou « soins virtuels », qui ont le potentiel d'améliorer ces deux caractéristiques, mais ne remettent pas en cause le principe du médecin référent. De plus, bien avant le début de la pandémie, de nombreuses études ont souligné les avantages de la télémédecine, dont les bénéfices thérapeutiques, l’efficience, mais aussi la satisfaction et à l'observance des patients. La pandémie a néanmoins accéléré le recours aux soins virtuels et les médecins généralistes ont été contraints de pratiquer aussi la consultation vidéo.
Ensuite, et au-delà de cet effet d’accélération sur la télémédecine, la pandémie et précisément la crainte de nombreux patients de contracter le SRAS-CoV-2 à l’hôpital a limité les consultations aux urgences pour les motifs « non-COVID ».
Prises ensemble, toutes ces conséquences de la pandémie pourraient avoir bouleversé le modèle d’accès aux soins avec des implications concernant l’offre de nos systèmes de santé.
L'étude analyse les données de consultations dans cette grande province du Canada, et les modes d’accès aux soins de patients ayant un médecin traitant, sur la période avril 2020 mars 2021. L’analyse a porté ainsi sur les données de consultations des patients de 7.936 médecins, dont 2.458 (31 %) médecins généralistes à exercice libéral et 5.478 (69 %) médecins exerçant dans des centres ou services de santé. L’analyse révèle :
- une forte chute, mais seulement au début de la pandémie, des visites aux urgences et des visites de soins primaires en personne ;
- une forte augmentation, au début de la pandémie, des consultations vidéo ;
- mais une absence totale de preuve, sur l’ensemble de la période, d'un remplacement des visites physiques nécessaires chez le médecin et/ou aux Urgences par des téléconsultations ;
- une grande variabilité durant cette période pandémique, de l’évolution du nombre de consultations selon les praticiens, avec une baisse des visites auprès des médecins femmes et des médecins des zones urbaines ;
- les cas patients les plus complexes sur le plan médical, des zones rurales et de sexe masculin ont maintenu les taux plus élevés de visites au cabinet ou aux urgences ;
- ainsi, la proportion de consultations virtuelles s’est le plus fortement accrue chez les médecins femmes, jeunes et urbains et le nombre de visites aux urgences s’est le plus fortement réduit chez les patients de ces femmes médecins ;
- sur l’ensemble de l’échantillon de médecins de l’étude, une augmentation de 1 % de la proportion de visites virtuelles apparaît associée à 11 visites en moins aux urgences pour 1.000 patients ;
- cependant, après prise en compte de différents facteurs de confusion, aucun changement statistiquement significatif dans les consultations aux urgences n’est retenu avec l’augmentation de la proportion des téléconsultations.
L’auteur principal, le Dr Jasmin Kantarevic, de Ontario Medical Association insiste sur l’importance du résultat « étant donné les inquiétudes possibles concernant les soins virtuels, qui peuvent, dans certains cas, affecter négativement la qualité des soins ».
Ainsi, l’étude n’identifie
aucune preuve que les patients aient remplacé les visites nécessaires aux urgences
dans le contexte de la diminution de la disponibilité des soins en personne avec leur médecin de famille au cours de la première année de la pandémie de COVID-19. La télémédecine et la téléconsultation sont certes devenues une nouvelle norme dans les soins de santé
mais, semble-t-il sans obérer les consultations au cabinet ou à l’hôpital en cas de nécessité de soins aigus.
Source: Canadian Medical Association Journal 23 Jan, 2023 DOI: 10.1503/cmaj.212051 Association between virtual primary care and emergency department use during the first year of the COVID-19 pandemic in Ontario, Canada